Le rakugo, à la vie, à la mort (vol. 1 à 5)

KUMOTA Haruko 雲田はるこ, Éditions Le lézard noir (Kodansha, 2010-2016)

Années 1960 au Japon. Kyôji sort de prison pour bonne conduite. Il veut maintenant devenir rakugoka depuis qu’il a vu une représentation au centre pénitentiaire. Il demande donc à Yakumo, un grand maître de rakugo, de le prendre comme disciple. Alors qu’il avait toujours refusé jusqu’à présent, l’artiste accepte et lui offre même le gîte et le couvert dans sa grande résidence.  Il confie alors son éducation à Konatsu, la fille de Sukeroku Yûrakutei, un conteur de génie décédé dans un tragique accident une vingtaine d’année auparavant. Le chauffeur Matsuda, qui s’occupe également de diverses tâches à la maison, lui enseigne les règles et habitudes de la maisonnée. Mais les jours passent et Kyôji, surnommé Yotarô par le maître, ne commence aucun apprentissage, servant plutôt à tromper l’ennui du vieil homme, en l’accompagnant comme un fidèle toutou…

L’auteure présente l’univers du rakugo à travers un jeune homme qui veut devenir rakugoka. Elle détaille l’apprentissage particulier qui se fait principalement par l’observation, la hiérarchie très stricte selon les grades, les règles et l’histoire de cet art. En parallèle, elle installe une intrigue à démêler sur le passé trouble de Sukeroku et Yakumo. Les personnages ont des caractères bien tranchés. L’humour est principalement porté par Yotarô qui enchaîne les gaffes avec son franc-parler et sa passion dévorante. En fin de compte, sa présence fait bouger les gens autour de lui. Le passé de Sukeroku et Yakumo, dévoilé au fur et à mesure du récit, permet de comprendre les différents sentiments qui hantent le maître de rakugo, entre admiration, attirance, jalousie, dégoût, amertume… Kumota sensei aborde le déclin de cet art traditionnel avec l’apparition de nouveaux divertissements ainsi que sa modernisation. Elle montre l’influence des yakuzas et de certains médias passionnés dans la conservation de cet art. D’ailleurs, elle offre également une petite fresque historique permettant de découvrir les changements que connaît la société japonaise durant cette période. La traduction a été confiée à Cyril Coppini, un maître de rakugo français, permettant d’avoir des explications claires des termes. D’ailleurs, à la fin du premier tome se trouvent des fiches explicatives.
La mangaka a un trait très épuré, avec un style graphique qui lui est propre. Elle exagère les expressions dans les passages humoristiques. Ses regards sont très expressifs. Les trames servent principalement à colorer ou renforcer les ambiances. Les décors simples mais tout de même soignés apparaissent sur les plans élargis. La mise en page rythme la lecture. En fin de tome, des histoires bonus apportent des informations supplémentaires sur l’univers du rakugo, présentées par Yotarô et/ou Matsuda. A la fin du tome 5, le fils de Konatsu, Shinnosuke, présente le Shiburaku, une salle à Shibuya qui permet de découvrir le rakugo. Des fiches de personnages en début de tome permettent de s’y retrouver.

Le manga a été plusieurs fois primé au Japon dont le prix d’excellence au 17e Japan media arts festival, meilleur manga catégorie générale au 38e prix Kodansha manga et prix de la nouveauté au Prix culturel Osamu Tezuka 2017. Au Japon, la série compte 10 tomes mais le Lézard noir a préféré les regrouper par deux. De même, le format un peu plus grand permet d’apprécier le dessin. Une adaptation animée a été diffusée en streaming en France sur ADN sous le titre Le rakugo ou la vie. Le casting est d’ailleurs merveilleux avec les doubleurs Ishida Akira dans le rôle de Yakumo Yûrakutei, Yamadera Kôichi pour Sukeroku Yûrakutei, Seki Tomokazu pour Yotarô et Hayashibara Megumi pour Yurie/Miyokichi.

Si vous souhaitez en découvrir plus sur le rakugo, vous pouvez consulter les sites des deux rakugoka français: Stéphane Ferrandez (https://stephaneferrandezconteur.com) et Cyril Coppini (https://cyco-o.com/fr/). Par ailleurs, Stéphane Ferrandez a réalisé un tuto sur le rakugo pour la Maison de la culture du Japon à Paris.

Étant une grande fan de rakugo (qui ressemble un peu au kriké kraké réunionnais) et appréciant également la mangaka que je suis principalement pour ses séries Boy’s love, c’est un grand plaisir pour moi de pouvoir lire cette série dans la langue de Molière. J’espère que beaucoup de personnes découvriront la sit-down comedy. Je suis passée du rire aux larmes. Les personnages sont tous attachants, la sensibilité de l’auteure transmet parfaitement la passion de cet art.

En résumé (attention, spoils):

  • Volume 1 – ISBN: 9782353482207, 2021
    Yakumo refuse d’apprendre son art à qui que ce soit. Cependant, il demande à Yotarô de l’écouter et rire à ses spectacles. Ainsi, le disciple se retrouve surtout à faire l’homme à tout faire. Cependant, ayant une bonne mémoire, il s’entraîne en cachette, ayant retenu les textes. Konatsu, qui l’a surpris, lui montre également le jeu de son père. Le jeune homme ne comprend pas pourquoi la jeune fille talentueuse ne fait pas de rakugo, ignorant que ce milieu est fermé aux femmes. En réitérant sa demande pour devenir disciple auprès de Yakumo, il propose également que Konatsu apprenne le rakugo en même temps que lui. Mais cela provoque l’ire du maître de rakugo
  • Volume 2 – ISBN: 9782353482306, 2021
    Après la seconde guerre mondiale, le rakugo n’a plus autant de succès. Profitant de sa renommée, Sukeroku s’amuse avec les filles. Cela insupporte Kikuhiko qui se retrouve souvent à payer les dettes de son ami. Pourtant, il a accepté de jouer avec lui dans une pièce de kabuki. Il admire le jeu de son ami qui s’est perfectionné en Mandchourie et ne comprend pas comment son insouciance lui apporte tout de même du travail. Pour améliorer son jeu, Kikuhiko fréquente une geisha, Miyokichi, avec qui il aime confier ses doutes. Elle propose alors son aide pour le maquiller pour la pièce de kabuki. Plus que le succès et la réaction du public, le rakugoka prend plaisir à jouer avec son ami et trouve enfin sa motivation.
  • Volume 3 – ISBN: 9782353482405, 2022
    Kikuhiko essaie de motiver et rassurer Sukeroku pour la représentation qu’ils vont faire dans un ryôkan. Matsuda pleure de joie de retrouver l’ancien rakugoka. Malgré sa longue pause, Sukeroku s’attire les faveurs du public. Revigoré par cet essai et la joie de sa fille Konatsu, il se laisse doucement convaincre par Kikuhiko qui lui propose de venir vivre avec lui à Tokyo, la solitude lui pesant. Mais le célèbre rakugoka reçoit la visite surprise de Miyokichi. Bien que ses sentiments sont encore bien présents, il lui propose de venir avec eux, mais la jeune femme préfère mourir avec celui qu’elle a toujours aimé et le pousse dangereusement vers la fenêtre. Heureusement, Sukeroku intervient et en profite pour s’excuser de ne pas avoir réussi à la rendre heureuse, lui promettant même d’arrêter définitivement le rakugo. Soudain, la balustrade du mini-balcon craque sous le poids de la jeune femme…
  • Volume 4 – ISBN: 9782353482535, 2022
    Shinnosuke adore aller voir son père Yûrakutei Yotarô Sukeroku au yosé. Les employés craquent complètement pour son adorable bouille et ses petites prestations de rakugo. Ils lui donnent donc des friandises ou le laissent entrer dans les loges. Même l’auteur Higuchi Eisuke porte le petit sur ses épaules pour qu’il puisse voir le spectacle. Après de longues négociations, Yûrakutei Yakumo a enfin cédé à la demande de Konatsu qui est devenue musicienne de yosé, le milieu ayant du mal à recruter. Toutefois, le grand rakugoka n’hésite pas à se plaindre de l’ambiance trop bruyante et décontractée qui règne maintenant dans les loges. Il est toujours déterminé à faire disparaitre le rakugo avec lui mais Eisuke n’abandonne pas l’idée de moderniser cet art…
  • Volume 5 – ISBN: 9782353482580, 2023
    Suite à son malaise, Yûrakutei Yakumo souhaite mettre fin à sa carrière. Mais la jeune génération de rakugoka refuse son départ. Pour se changer les idées, il a accepté l’invitation de son ami le yakuza Kido, profitant de son magnifique jardin malgré l’arrivée de la pluie. Ce dernier aussi s’inquiète pour l’avenir de son clan. En effet, son fils ne souhaite pas lui succéder et la nouvelle législation complique vraiment leur travail. Les yakuzas n’arrivent d’ailleurs plus à recruter. Quand Konatsu rentre à la maison, elle trouve Eisuke Higuchi en train de consulter leurs archives tout en surveillant Shinnosuke pendant que Matsuda est allé chercher le maître de rakugo

Le rakugo, à la vie, à la mort 1-5©2021-2022, Kumota Haruko, Éditions Le lézard noir
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Commentaires

3 réponses à « Le rakugo, à la vie, à la mort (vol. 1 à 5) »

  1. Une série coup de coeur qui m’a fait découvrir un nouveau plan de la culture japonaise. J’ai été très touchée par l’histoire de cette vaste famille et le portrait de cet art traditionnel.

    1. Merci pour ton commentaire! Je suis heureuse que ce manga puisse faire découvrir le rakugo (mais aussi la société japonaise en générale). Les rakugoka français participent à divers festivals à travers la France. D’ailleurs, pour ceux qui ont la chance d’aller à la Japan expo 2023, Stéphane Ferrandez y fera un spectacle.

      1. J’avoue que je serais bien intriguée d’en voir un spectacle. Faudrait que je cherche sur youtube parce que je ne pourrai pas aller à la Japan.